Etat Unis : Yosemite : The Nose - Salathe Wall
Un récit de Olivier du Chastel.
Extrait de « Trip escalade aux USA, d’Ouest en Est ».
La fin de notre voyage nous amène dans le célèbre Parc du Yosémite, et sur la fameuse paroi d’El Capitan. Malheureusement, après plus de 26 jours de grimpe (dont 1 de repos), notre état physique (et mental) n’est pas au mieux… Cependant, à l’arrivée dans la Yosemity Valley, au pieds des 2 «monstres» granitiques que sont Half Dome et El Capitan, on a très vite retrouvé la motivation et l’envie… Au pied du massif, on ne peut ressentir d’autres sentiments que celui de l’humilité, tellement ces murs sont imposants et dominants.
Une fois installés au Camp 4 (en évitant de peu les contrôles de Rangers, car plus assez d’argent pour payer le camping…) il n’est pas facile de définir un projet à notre portée. Les nombreuses consultations de topos sur place ne nous apportant que peu de réponses. Finalement, en ayant bien évalué les cotes, surtout en artif’, on en a déduit que the Nose est la voie la plus « réalisable », mais aussi la plus belle du Parc ! (30 longueurs, grade VI 5.13+ en libre ou 5.9 C1). Une fois encore, on avait sous-estimé les cotes d’artif américaines…
THE NOSE :
Après avoir racheté un second sac de hissage de 70l, (indispensable pour plus de 10 longueurs), on a minutieusement élaboré la stratégie de grimpe, le matériel, l’eau, la nourriture. On avait prévu, pour réussir l’ascension, 6 jours de grimpe et donc 5 nuits en paroi. Sans portaledge, on était obligé de planifier les longueurs pour chaque jour en espérant arriver aux vires prévues pour dormir. Au total, 2 sacs plein à craquer, 60l d’eau (à hisser avec juste une poulie mini-traction et une corde dynamique…)
On part vers 18h, le soir pour dormir au pied de la voie, installer les 2 premières longueurs afin de commencer le matin le plus tôt possible avec les sacs déjà hissés.
À l’exception du toit du Nose (qui se trouve à la longueur 21) ce sont les 1ères longueurs les plus difficiles, surtout en libre (d’après le topo !). N’ayant toujours pas acheté de crochets et du vrai matos d’artif (à part 2 étriers), nous étions obligés dans certains cas de figure, de faire, comme les américains le disent, du « french aid climbing »; c’est-à-dire de l’artif sur stoppers, micro stoppers (2 mm), et Friends. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus confortable, mais pas d’autre choix… C’est sûrement ce qui nous a coûté d’arriver « seulement » à la 4ème longueur pour la 1ère nuit, avec tout l’équipement, mais littéralement épuisés. La nuit, bien qu’exceptionnelle dans un tel cadre, ne nous a pas procuré beaucoup de repos, tellement les conditions étaient pour le moins sommaires… Avec mon matelas d’1,8 m de long qui n’arrêtait pas de glisser vers le vide, je priais pour ne pas me réveiller en pleine nuit suspendu dans mon baudrier et bloqué dans le duvet…
Durant les 2 jours de grimpe, tout y est passé, mouflage, blocages de sac, remontée au jumar, gros pendule (plus de 10 m de ballant) artif sur vieux clous ou copperheads rouillés, relais sur Friends…
Le principal élément (en plus de la fatigue) qui nous aura fait renoncer vers la 8ème longueur, est le vent. Le matin, de 6h à 12h, les conditions de grimpe sont très bonnes, mais passé ce créneau horaire, un vent violent souffle sur la paroi, et the Nose, en plein sur l’arrête d’El Capitan, est particulièrement exposé. (Plus vers la droite du massif, vers Zodiac, les voies sembleraient moins exposées à ce vent, surtout en aôut…) Tout se met à voler, les cordes, le matos, (ma polaire) et surtout les grimpeurs ! Les choses deviennent plus compliquées surtout que ce vent déshydrate énormément.
Bien sûr, une fois descendus, on l’a regretté, mais sur le moment, la décision était plus que raisonnable… Première tentative sur El Cap et premier but ! Mais l’expérience reste riche de beaucoup d’enseignements pour la suite…
SALATHE WALL:
Après un jour de repos bien mérité, on est reparti pour une nouvelle tentative sur El Capitan, (juste à gauche de la 1ère ): Salathé Wall. Cette fois-ci, on a opté pour une autre stratégie de grimpe: ne pas prévoir l’ascension entière des 32 longueurs, mais prévoir juste 2 nuits en paroi et 3 jours de grimpe, en allant le plus haut possible. Résultat, des conditions infiniment meilleures pour la grimpe, à tous points de vue. Plus léger, 1 seul sac de hissage de 35l, moins de manip, des longueurs enchaînées bien plus rapidement, et enfin plus de plaisir général; excepté pour 2 longueurs dont la 8ème: une cheminée foireuse, en triangle, toute patinée et qui suivait un toit duquel Aurélien m’assurait.
Lorsque tu poses plus de 10 stoppers sur une dalle bien lisse, patinée et fuyante, à plus de 200 mètres du sol, que les trois quart manquent de partir à la première secousse de corde, que les autres tiennent à peine, que ton niveau est inférieur à celui de la cote de la voie (en libre), que tu n’as pas les crochets d’artif nécessaire, alors, il n’y a plus qu’à se focaliser sur l’essentiel : Grimper, et moins les points tiennent, plus ils s’espacent, et plus il est important de se concentrer sur le mètre suivant. Une fois engagé dans la voie, impossible de faire une réchappe sur stoppers, et la désescalade, dans cette longueur précise aurait été plus complexe que l’escalade…
Je suis arrivé à un spit vers le haut de voie, plus heureux que jamais, mais totalement vidé… Aurélien a fini la longueur, se servant du décoinceur acheté à Moab, comme crochet d’artif, y posant un étrier, chargant tout son poids dessus et arrivant enfin à un autre spit puis au relais. On s’est retrouvé là, reliés par nos vaches au même relais, et on ne savait plus trop que penser, que dire, que faire, mais heureux malgré les efforts et les difficultés. Inconsciemment ou consciemment, c’est surement ces instants là que l’on recherche à travers les différentes pratiques de l’escalade.
Au final on a grimpé jusqu’à la 13ème longueur, ce qui, à l’échelle du massif, n’est pas beaucoup mais déjà pas mal en soi, pour nous, surtout en fin de trip, et découvrant le big wall pour la 1ère fois… En redescendant, quel plaisir de découvrir à la vire de la 8ème longueur, comme par magie, des réserves d’eau et des bouteilles de jus de fruit (ce qui paraît improbable à un tel endroit), laissées par d’autres grimpeurs qui avaient dû abandonner l’ascension.
Même en redescendant, les complications (habituelles) ne se sont pas faites attendre : lors du rappel de la 9 à la 8ème longueur, blocage de notre corde, et il ne nous restait plus qu’un brun (celui que l’on tirait). Par chance, il y avait à cette longueur précise, des cordes de rappel fixes. Même si nous ignorions l’usure de ces cordes, nous n’avions d’autres choix que de les utiliser !
Par la suite, on a appris que la plupart des Américains, pour les 8 premières longueurs de Salathé, se servent de cordes déjà installées, et en relativement bon état, pour monter rejoindre la vire 8 ! (Cette ligne de corde se trouve un peu sur la gauche de la voie, juste à côté de Magic Mushroom). Dur à encaisser après toutes les galères, mais encore une fois, expérience inoubliable.
Olivier du Chastel et Aurélien Desclaveliéres :
Olivier (du Chastel) et Aurélien (Desclaveliéres) se sont rencontrés dans une salle d’escalade parisienne il y a 4 ans. Depuis, ils partagent tous leurs voyages ensemble, que ce soit à Fontainebleau près de Paris, dans le Saussois en Bourgogne, dans les Calanques à Marseille, ou dans le Yosémite en Californie. Tous deux passionnés de grimpe et de découvertes, ils pratiquent respectivement l’escalade depuis 4 et 13 ans, cherchant à en explorer toutes les disciplines: sportive, trad’, bloc, deep water, big wall… et à toujours découvrir de nouveaux espaces ou projets à gravir.
Les deux dernières années ils sont partis aux Etats Unis en côte Est puis Ouest, visitant plus de 15 sites d’escalade différents, au travers du Kentucky, Névada, de l’Utah, la Californie… et terminant le trip dans le Yosémite, sur la paroi d’El Capitan…
(En dehors de l’escalade, Olivier est architecte (2009) et Aurélien travaille dans la salle d’escalade de Mur Mur Issy les Moulineaux près de Paris)
Site web: worldclimbing.fr (récits des voyages disponibles au format pdf dans la rubrique récit)
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