CANADA : Fleur de Lotus

Un article de Nicolas Renard

Une voie réalisée par Nicolas Renard et Frédéric Gaillot en août 2009.

Paris, Portland, Vancouver, Prince Georges, Fort Nelson, Watson Lake, Finlayson, Fairy Meadows!!!!!!!! La prairie, la moraine,le névé, les 700m de parois, la dernière longueur!!

La tempête de neige recommence pour la troisième fois depuis ce matin… Un vol… Un second….Deux friends qui sʼévadent sous le choc… La neige tourbillonne, on ne voit presque plus rien, il faut se rendre à lʼévidence, le sommet restera dans nos rêves……

Tout avait pourtant si bien commencé, une arrivée par un beau soleil de début d’août. Quatre cordées quittaient la prairie, heureuses de la voie réalisée, dans la journée pour certaines, en deux jours pour dʼautres.. Quelle joie de sʼinstaller sur cette prairie totalement grasse de verdure, le paradis des marmottes, le notre à cet instant…Loin de tout, le bout de notre monde.

Dès le lendemain, de gros nuages venant dʼouest nous engloutirent pour trois semaines..

En programmant notre arrivée vers le 8 août, nous prenions le risque dʼun contexte climatique tant redouté…Humide, froid, et long…. Il le fut…

Seuls dans cet endroit magique, nos journées se languissaient entre lire, dormir, manger, rêver, et espérer à chaque coup d’oeil sur l’altimètre.. Parfois, quand la pluie daignait nous quitter, de brèves conversations avec les marmottes ou les chiens de prairie nous sortaient de notre moiteur..

Un soir, six jours après notre arrivée, le baromètre se met à monter comme un cabri!!! Méfiants, nous décidons de ne pas partir trop tôt le lendemain..L’erreur… Le temps est correct. Les 350 premiers mètres sont vites avalés jusquʼà la terrasse médiane où un bivouac 5 étoiles nous accueille.. Il y en avait des étoiles, ça oui! Et bien plus que cinq! Une voute étoilée comme j’en avais peu vue…

Et ce soir là vers 23h, elle disparut et nous ne lʼavons plus jamais revue! De minuit jusquʼà tard dans l’après midi, de l’eau, toujours de l’eau…Des trombes d’eau!! Une nuit diabolique…!!!! Vers 6h, une piteuse descente en rappel où nos descendeurs nous aspergent en continu, nous ramène à la tente.

Et c’est à nouveau l’attente. Les journées qui s’enchaînent, égales à elles mêmes, de la tente à la grotte où nous mangeons, de la grotte à la tente où nous tentons de nous occuper…

De magnifiques sommets nous entourent dont l’imposant Proboscis, la montagne la plus dure à l’ouest de l’Amérique du Nord.. Toutes ces parois à 15 jours de marche de toute habitation nous narguent… Leur imposante beauté, nous fait penser qu’il faudra revenir un jour. De nouveaux projets naissent , d’autres rêves.. C’est si loin de chez nous Fairy Meadows..

Depuis quinze jours maintenant nous ruminons. Lorsque, le baromètre éructe…. Notre seconde chance, la dernière!!!! Nous quittons notre tente à 4h, il ne pleut pas… Cool!!!  » Il ne pleut pas!  » me dis-je pour me réconforter…. La moraine nous déposant à l’attaque est trempée, la paroi ruissèle telle une cascade de glace qui dégèle,

tout est gris… Sympa l’ambiance!!…

A 11h nous sommes au bivouac et nous enchaînons directement la seconde partie, celle pour qui tant de grimpeurs viennent ici, dans ces North West Territories.. Deux fois la France pour 42.000 habitants, dix origines ethniques, onze langues officielles.

Une première bourrasque de neige dans le crux de la voie nous tend… Une seconde au passage du toit nous laisse totalement indifférents… La troisième est fatale..

La descente en rappel fut riche en évènements, la plus tourmentée de mon histoire de grimpeur… Tout y passa, de la classique corde coincée à la chute de pierre en passant par une recherche de relais dans une nuit d’encre…. Le tout sous des trombes d’eau bien sûr!!!

Histoire de nous saluer une ultime fois, la moraine nous garda trois heures… ( au lieu des 45mn habituelles)

Dans un état de semi transe, nous nous écroulâmes dans nos duvets; 23h30 après avoir quitté la tente!

Chacun vit sa voie en fonction de ce qu’il croise. Nous n’aurons pas fait le sommet à une longueur près et c’est un petit regret.. ne pas pouvoir s’embrasser au sommet… Mais nous avons grimpé les belles longueurs.. Tout était mouillé, mais malgré cela, nous avons quand même pu ressentir à quel point la seconde partie était somptueuse…

Quelques jours plus tard, nous roulions tranquillement sur l’Alaska Hyway vers le sud. Nos conversations se portèrent sur les idées concernant la différence entre l’ancienne et la nouvelle génération des grimpeurs : La première privilégiant le sommet, la seconde accordant plus d’importance à la beauté de l’escalade pratiquée… Le débat dura 2.600 km, et il est sûr qu’il nous procura la sensation d’être un peu «nouvelle génération»….

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