BRESIL : Le paradoxe brésilien

4 Nov

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Categories: Bresil, Topos et récit

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Un récit de Marcha

Escalade touristique au Brésil, juin 2010

Vous n’imaginez sans doute pas qu’il soit à la fois possible pour une même cordée de s’échauffer dans un 7b et de se mettre au taquet dans un 3c ? Eh bien au Brésil, ça l’est ! (si quelqu’un peut m’apporter des éclaircissements sur les cotations brésiliennes, qu’il n’hésite pas).

Morro_da_BabiloniaAprès une première journée où la pluie est tombée continûment, (bienvenu à Rio en automne) suivie d’une soirée à Botafogo (le quartier bourgeois où nous avons élu domicile) copieusement arrosée de Caipirinhas maracuja (une tuerie !), notre petit groupe de grimpeurs parisiens part à l’assaut des dalles cariocas.

Le Morro da Babilonia s’élève face au Pao de Azucar, juste derrière le départ du téléphérique. Cette immense dalle de gneiss d’environ 300 mètres de large sur 200 de haut, propose une escalade urbaine dans un décor époustouflant _ vue sur le Pain de Sucre et les plages environnantes_  et une ambiance exotique à souhait : les singes et les cactus abondent sur la paroi !

grimpeur_local

atterrissage__Rio

derniere_longueur_du_Pain_de_Sucre

 

 

 

 

 

La gomme chauffe, les pieds souffrent, (surtout ceux de mon binôme qui ont tellement enflé qu’il ne parvient plus à enfiler ses chaussons) et les neurones aussi quand il nous faut grimper 6 ou 7 mètres, d’un point à un autre, pieds et mains en adhérence ! Mais ces petits tracas sont largement compensés par le panorama sublimissime qui s’offre à nous : un martyr pour les pieds mais un régal pour les yeux !

vue_du_relais

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Baptiste_au_relaisadhrence

Nous avons choisi la voie un peu « au pif », car la ligne nous plaisait. C’est l’autre cordée qui a le topo ; en redescendant, nous les rejoignons et il s’avère que cette voie qui nous a paru tout sauf évidente est un III sup… Belle perf !

Le programme du lendemain :  bain de soleil en string ficelle à Copacabana (célébrissime plage de Rio) et  feijoada  (plat national) à Santa Tereza (quartier pittoresque) nous remet en forme et nous sommes prêts, le jour suivant,  à accomplir de nouveaux exploits !

L’ascension du Pain de Sucre est au programme de cette journée qui s’annonce magnifique. L’approche se fait en bus ou en taxi, c’est l’avantage de l’escalade urbaine, puis à pied à travers une forêt dense et fraîche, par un chemin raide qui nous conduit au pied de la voie. Nous avons choisi la voie des Italiens, la classique classe du Pain de Sucre, à ce point classe et classique que 5 cordées nous précèdent et à peu près autant nous suivent ! Il semble que toute la population grimpante du Brésil se soit donné rendez-vous dans la voie des Italiens ! En discutant avec les autochtones, nous apprenons que ce jour est férié (célébration de Corpus Christi) et constitue un pont avec le week-end.

Il est 10 heures, la voie des Italiens s’élance au-dessus de nos têtes sur un beau pilier dalleux, surmonté, quelque 200 mètres plus haut, du câble du téléphérique. Une cordée attaque la deuxième longueur tandis que la suivante achève la première, 6 personnes attendent leur tour en bas, nous sommes 4 et d’autres grimpeurs arrivent encore après nous !

1ere_longueur_du_pain_de_sucre

 

3 heures s’écoulent avant que nous commencions l’ascension ; la voie d’abord à l’ombre est progressivement passée au soleil. Nous comprenons vite que nos pieds, une fois de plus, vont être mis à rude épreuve. Mon binôme a eu la sagesse de s’acheter une paire de chaussons plus grands : il est passé de 39 à 44 !

S’il y gagne en confort, c’est évidemment au détriment de la précision, ce qui ne l’empêche pas de négocier avec habileté les passages délicats de la première longueur. Les 4 premières longueurs sont assez courtes, nous aurions pu les faire en 2 mais il y a de véritables bouchons à chaque relais. Nous sommes souvent obligés d’attendre aux relais intermédiaires. Cette procession de grimpeurs sur le pilier ouest du Pain de Sucre doit être un bien étrange spectacle pour les touristes transportés dans les bennes qui passent régulièrement au-dessus de nous. La lenteur de notre progression a le mérite de nous laisser tout le loisir d’admirer le panorama, et quel panorama !

3eme_longueur_du_pain_de_sucrebinome_au_relaisLa baie de Rio est probablement le plus beau paysage urbain qu’il m’a été donné de voir ! Je ne me lasse pas de contempler cette côte constituée d’estuaires, de presqu’îles et d’îlots d’où surgissent de vertigineuses falaises cernées de plages au sable blanc, bordées de palmeraies…

Il devient assez vite évident que nous ne parviendrons pas au sommet avant la nuit qui tombe à 5 heures en cette saison. Une légère inquiétude s’empare de moi quand je réalise que je n’ai pas pris ma frontale mais elle est vite contrebalancée par l’avantage de notre situation : nous allons assister au coucher du soleil ! Et une fois en haut, nous jouirons du panorama de nuit ! Après la 4ème longueur, nous avons le choix entre rejoindre, sur la droite, la via ferrata qui mène directement au sommet ou faire une traversée à gauche et grimper 4 autres longueurs. C’est naturellement cette option que nous choisissons, ce qui vaudra à mon binôme une chute dans les cactus après une erreur d’itinéraire. Les dalles du Pain de Sucre s’inclinent dans la partie supérieure et nous progressons maintenant sur une paroi flamboyante et hérissée de cactus qui s’élèvent tels des cierges qu’embrase le couchant…

Ah ! je me sens l’âme d’une poétesse devant le spectacle saisissant de la baie de Rio baignée de lumière rouge. Sous le sommet, les nombreuses vires servent d’aires de repos aux vautours qui tournoient tout le jour autour de la célèbre montagne. Je manque de tomber de frayeur en me retrouvant nez à nez avec un de ces impressionnants volatiles ; il s’envole en me frôlant de ses ailes.

La nuit est complètement tombée quand nous parvenons au relais de la dernière longueur : une fissure cheminée que les pluies des jours précédents ont rendue humide et glissante. C’est à moi qu’échoit ce dernier obstacle et je m’élance, pressée d’en finir à l’idée de la bière fraîche qui m’attend en haut. J’avance péniblement dans les ténèbres en coinçant poings et pieds dans la fente visqueuse et évasée. Je mousquetonne un point puis un deuxième… avant de battre en retraite, vaincue par la paroi mouillée et obscure : le 3ème point est bien loin et le vol me paraît inéluctable, avec risque de chute sur la vire. L’autre cordée, plus prévoyante, dispose d’une lampe frontale et de quelques coinceurs : je cède le passage au leader et je m’aide de sa corde pour franchir les dernières difficultés qui nous séparent du sommet, un peu dépitée de cette sortie peu glorieuse. Sous les yeux des touristes ébahis, nous assurons nos seconds tandis qu’à quelques mètres de nous, d’autres cordées émergent de la via ferrata plongée dans les ténèbres. En plus de la bière et de la vue sur Rio by night, une autre bonne surprise nous attend : le téléphérique est gratuit pour les grimpeurs !

Nous nous remettons de nos émotions, attablés dans un restaurant d’Ipanema (le quartier branché) qui sert les plats au kilo. Je suis impressionnée par les quantités de nourriture qu’engloutissent mes compagnons : leurs assiettes sont 2 ou 3 fois plus lourdes que la mienne ! En revanche, je les bats à plate couture dans la descente de bière.

Corcovado

Les jours suivants, après une tentative avortée au Corcovado (la fameuse montagne surmontée du Christ colossal), nous quittons Rio pour la région des Minas Gerais où se trouvent les meilleurs spots d’escalade du Brésil, d’après ce que nous ont dit les grimpeurs locaux. Nous choisissons Serra do Cipo, le plus réputé. Des formations rocheuses calcaires surgissent ça et là dans une région de montagnes, de forêts et de canyons, réputée pour ses mines de pierres précieuses et de fer. Fini les dalles techniques : couennes en dévers sont maintenant au menu. Comme nous n’avons pas de topo, il nous faut évaluer la difficulté d’en bas, c’est ce qui s’appelle grimper « à vue » ! Globalement, les voies sont dures : quelques 6 mais surtout du 7, du 8 et même du 9 ! En plus d’être dures, les voies sont engagées avec des premiers points souvent très hauts. Quand des locaux viennent à passer avec le topo, nous comprenons pourquoi nous avons tant de mal : la voie que j’avais choisie comme échauffement, que j’avais évaluée d’en bas à 6b et qu’aucun de nous n’a sorti est en fait un 8 a ! Le lendemain, c’est dans un 7b que nous nous échauffons sans le savoir (avec succès, cette fois).

 

Au bout de quelques jours nous avons gravi toutes les voies à notre portée et cela tombe bien car notre séjour touche à sa fin. Avant de regagner Rio, nous passons une soirée magique à la fête du village où nous dégustons d’exquises brochettes en écoutant un concert de Bossa Nova que je ne suis pas près d’oublier : sous le charme des rythmes latinos, je dévore les musiciens du regard, ce qui me vaudra un sacré ticket avec le batteur… mais c’est une autre histoire !
Le lendemain, nous retrouvons Rio en pleine effervescence : le Brésil va jouer son premier match de la coupe du monde ! Eh oui, nous avions presque oublié que le sport national brésilien n’était pas l’escalade mais le football !
Pour la première fois de ma vie, j’ai envie de supporter une équipe et désormais, c’est le drapeau du Brésil qui flotte sur mon petit balcon parisien…

coucher_du_soleil

 

Les_charmes_de_Copacabana

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