Fontainebleau : Le Grand Mont Chauvet (recit)
Dès la fin du XVIIIe siècle des promeneurs mais aussi des artistes, des peintres et des écrivains ont investi ce massif rendant ce lieu remarquable comme l’un des sites de la forêt les plus fréquentés notamment par le monde de l’Art durant tout le XIXe siècle.
C’est en 1853 qu’est instituée la protection des cantons favoris des artistes sur 624 hectares : Bas Bréau, Cuvier Châtillon, Franchard, Apremont et Grand Mont Chauvet. Le décret impérial du 13 avril 1861 crée d’ailleurs officiellement « la série artistique » qui couvre 1097 hectares. Elle comprend ce « vieux massif » conservé à titre d’ornement et d’agréments dans lequel plus aucune intervention n’est pratiquée à l’exception de l’enlèvement des arbres dangereux.
Vers 1900, grâce à l’avènement du chemin de fer à Avon en 1849 (temps du trajet de Paris ramené à 1h30 alors qu’il fallait une journée en diligence), le grand Mont Chauvet est très parcouru à pied, à bicyclette ou transporté en calèche ; deux itinéraires Denecourt-Colinet, la promenade à la Vallée de la Solle et la promenade aux Points de Vue de la Solle le traversait.
Ces tracés bleus aménagés dès 1842 avec l’aide des carriers et autres tailleurs de pavés, balisés et cartographiés avec l’autorisation tacite de l’administration des eaux et forêts, décrivaient une grande boucle qui de la fontaine Sanguinède, traversait le sentier des Accords avant de redescendre sur le carrefour des Gorges de la Solle d’où elle gagnait la fontaine du Mont Chauvet par le sentier de la Solle, sinuait ensuite pour le retour par le Sentier des Artistes le long de la route tournante des Hauteurs de la Solle puis le long de la route de la Reine.
Deux petites boucles s’inscrivaient dans la première, puisqu’on pouvait regagner directement la fontaine Sanguinède à partir du carrefour des Gorges de la Solle par le sentier des Rapins ou rejoindre le Sentier des Artistes non loin du Rocher des Deux Sœurs à partir du sentier de la Solle.
On découvre d’ailleurs aisément la portion baptisée « Sentier des Artistes » qui serpente de la Fontaine du Mont Chauvet au Rocher des Deux Sœurs et l’esquisse du sentier qui au niveau de la Mare aux Ligueurs part à droite et permet de retrouver le Capuchon du père Dan et la roche d’Adrienne Lecouvreur
Historiquement l’institution des réserves artistiques en forêt de Fontainebleau constitue la première mesure volontaire de protection de la nature dans le monde bien avant la création du premier parc national Américain en 1872 à Yellowstone.
L’intérêt de ces réserves artistiques a considérablement diminué a tord au fur et à mesure du dépérissement et à la mort de très nombreux sujets du fait de tempêtes et d’hivers rigoureux successifs. Elles ont été complètement supprimées en 1967, après que les parcelles les plus intéressantes aient été érigées en 1953 en réserves biologiques.
Aujourd’hui, depuis l’arrêté d’aménagement de la forêt du 11 janvier 1972 le Grand Mont Chauvet fait partie de la réserve biologique classée intégrale du Gros Fouteau (comprenez gros hêtre) et est simplement frôlé par le sentier n°4 de la Roche Perceval au sentier des Accords (partie remaniée après la Mare aux Ligueurs de l’ancienne promenade à la Vallée de la Solle).
Les routes et sentiers ainsi que les sites pittoresques qui jalonnaient ces itinéraires glissent lentement dans l’oubli alors que certains d’entre eux (Fontaine du Mont Chauvet, Rochers des Deux Sœurs, Fontaine Sanguinède) comptaient parmi les plus renommés.
Ici comme ailleurs à Bleau, chaque rocher remarquable porte un nom emprunté à la mythologie, à l’histoire, à la littérature ou à l’imaginaire, chaque mare et chaque arbre racontent une histoire.
Denecourt l’avait baptisé « Char des fées » mais a admis qu’on la surnomme « Roche qui remue » car elle bouge un peu lorsqu’une personne, montée sur la base saillante, saute à coups cadencés. Les éditeurs de cartes postales la baptisèrent bien plus souvent « Roche qui Tremble », ce qui entraîne parfois quelques confusions avec la roche du même nom au rocher des demoiselles.
Explorons donc ce site respectueusement en limitant au mieux son impact sur le milieu, (vieille futaie de chênes de 200 ans à 400 ans et de hêtres exposée au nord à l’état d’équilibre, climax du biotope) et naviguons bon grès malgré d’un lieu à l’autre, du passé au présent à seule fin de s’en réjouir.
Ces quelques blocs perdus ont été dégagés très succinctement. Espérons qu’ils conserveront longtemps leur écrin sauvage préservé.
En 2010 le massif de Fontainebleau englobe environ 25000 hectares avec 17073 hectares pour la forêt domanial, 580 hectares sont classés réserve biologiques intégrales (laissées en libre évolution) et 1323 en réserve biologique dirigée (actions humaines limitées à la préservation du milieu et des espèces). On dénombre près de 700 arbres remarquables identifiés d’un rond bleu sur le tronc.
La richesse biologique est exceptionnelle avec 5800 espèces végétales (plantes à fleurs, mousses, champignons, lichens, algues) et 6600 animales (insectes, mammifères, reptiles, batraciens, myriapodes, mollusques, arachnides et tardigrades, crustacés).
La forêt de Fontainebleau reçoit aujourd’hui environ 17 millions de visites par an et est le premier site touristique naturel français.
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