SAISON 2 ALI BABA

21 May

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Categories: Aiglun, Récits, Topos et récit

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Article Arnaud Ceintre et Thibaud Hisler

Depuis ma montée avec Antoine Eydoux, la volonté de revenir dans cette voie était forte… Une voie où le temps c’est arrêté le temps d’un film pour deux acteurs!

Saison 2 la série

Le récit du second de cordée

Genèse

Nous sommes fin 2013 lorsqu’Arnaud me parle pour la première fois d’Ali Baba. Il a déjà escaladé cette voie il y a deux ans et souhaiterait y retourner avec pour objectif d’enchaîner le plus de longueurs possible. Pour cela, il envisage une ascension sur plusieurs jours afin de pouvoir travailler des longueurs et s’accorder suffisamment de repos entre les essais. Quant à moi, je ne sais pas encore si je serai en mesure de l’accompagner : en effet le dévers et la difficulté nécessitent un niveau de fond physique très solide que j’estime ne pas avoir… Mais l’hiver passé sur les falaises de Catalogne m’a permis de m’aguerrir, d’enchaîner mes premiers 8a – y compris en gros dévers – et d’accumuler un volume de grimpe conséquent. Ces progrès me donnent l’envie et la perspective de pourvoir m’engager d

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ans ce projet. Il s’agit pour moi d’une opportunité exceptionnelle : à la fois grimper dans une voie où je ne m’aventurerais pas avec un compagnon de cordée de mon modeste niveau, apprendre la logistique et les manipulations inhérentes au choix de gravir la paroi en plusieurs jours, et partager une nouvelle ascension de grande voie avec Arnaud, après Cristal majeur l’été dernier. C’est maintenant ou jamais !

 

Jour 1 : L’Approche

Une semaine après mon retour de Margalef et bien reposé, je retrouve Arnaud qui a tout juste eu le temps de souffler après une compétition. Nous dormons en chemin et arrivons à Aiglun au petit matin.IMG_0002bis Sans perdre de temps, nous préparons notre matériel et marchons jusqu’à la paroi dérobée qui me fait penser à une immense caverne. Cette vision aurait-elle inspiré aux ouvreurs le nom de la voie ? Dans un environnement grandiose et sauvage, je prends la mesure du défi impressionnant qui nous attend… « On va prendre cher ! » (c’est bien la moindre des choses s’il y a un trésor). Mais je suis déterminé à me montrer à la hauteur. Sans autre échauffement que les remontées sur cordes fixes de l’approche, la première longueur nous scie les doigts ! Insatisfaits de notre performance et en nous prenant au jeu, nous tentons un deuxième essai (et même un troisième pour Arnaud), cependant le froid finit de nous épuiser. A bout de forces, nous butons l’un après l’autre au milieu de la deuxième longueur et décidons de battre en retraite. Nous laissons du matériel au premier relais et au pied de la voie et rentrons bredouilles aux camions ! Le doute s’installe.

Jour de repos

Nous nous accordons une journée de repos. Un peu décontenancés, nous analysons l’échec de la veille et le relativisons : pour un projet de cette ampleur, il faut accepter qu’un temps d’adaptation soit nécessaire et que des embûches surgissent en chemin. Nous réfléchissons alors à un changement de stratégie et élaborons un programme qui prend mieux en compte toutes les dimensions du projet : la forme et les capacités de chacun, notre coordination, la logistique optimale, les aléas de la météo. Nous écartons notamment l’idée de prendre un jour de repos sur la vire (trop froid et pas assez confortable), Arnaud décide de se limiter à deux essais par longueur et moi, je me contenterai d’un seul pour économiser nos forces. Quand mon frère s’enquiert de notre avancement par texto, je lui explique prudemment : « Pour l’instant on étudie la faisabilité du projet… » et il ne manque pas de répartie en déclarant : « Faut pas étudier, faut grimper ! », conseil avisé qui deviendra notre devise lors les moments d’hésitation !

Jour 2 : Nouveau départ

Nous repartons de plus belle le lendemain. La marche d’approche est moins pénible sans les gros sacs de portage ! Et les signes sont nettement plus encourageants. Il fait moins froid, Arnaud enchaîne la première longueur et moi, je ne fais que deux arrêts. Puis, le crux de la deuxième longueur s’avère moins insurmontable qu’il nous avait semblé l’avant-veille. Arnaud réalise un second essai gratifiant en ne tombant que tout en haut (chute qu’il refuse avec éthique d’attribuer à la colonnette mouillée !). Je relève ensuite le défi de partir en tête dans la troisième longueur nettement moins raide ; une erreur de lecture me fait toutefois manquer l’enchaînement à vue. Nous arrivons avec satisfaction en milieu d’après-midi à la vire où nous bivouaquerons un soir prochain. Nous descendons en installant les cordes statiques qui nous permettront de remonter directement. Avec cette belle journée d’escalade fluide et efficace, nous reprenons de l’assurance.

Jours de pause

Le lendemain, la météo se dégrade fortement et nous contraint à reporter l’ascension. Car, compte-tenu de la difficulté de la voie, il nous faut à la fois une température favorable pour grimper à notre meilleur niveau et une fenêtre de beau temps pour que la dernière longueur (quasiment verticale donc exposée à la pluie) soit sèche. Nous rongeons notre frein pendant deux jours et demi…

 Jour 3 : « Faut pas étudier, faut grimper ! »

… et décidons de mettre en application la fameuse devise en tentant une remontée dans l’après-midi du troisième jour.IMG_0048bisRemonté cordes fixe L’objectif étant d’être à pied d’œuvre sur la vire frais et dispo dès le lendemain matin afin de ne pas grimper trop tard dans l’après-midi quand des orages sont possibles. Nous remontons sans encombre avec les cordes statiques, j’ai tout de même quelques émotions la première fois qu’il faut se lancer dans le vide et penduler. Nous installons le bivouac sur la vire à la tombée de la nuit. Arnaud sort le réchaud, le briquet… et réalise qu’il nous manque un récipient pour chauffer l’eau ! Il en faudrait plus pour nous décourager… Je me résous stoïquement à manger froid tandis qu’Arnaud redouble d’ingéniosité pour cuire à la petite cuillère ! Ma première nuit sur la vire (80cm de large par 3,50m de long) n’est pas des plus reposantes car je me réveille régulièrement avec la sensation d’avoir glissé. Ce n’est qu’au petit matin que je trouve une position mieux calée dont je profiterai surtout la nuit suivante.

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Jour 4 : L’orage

Ce matin, seuls quelques nuages parsèment le ciel bleu. En guise de petit déjeuner, la quatrième longueur est rude lorsque que le corps est encore engourdi ;IMG_0066bis la colonnette finale me surprend par son caractère insolite ! Nous prenons vraiment du plaisir à grimper la cinquième longueur, superbe et interminable. Arnaud l’enchaîne au premier essai et je m’en sors honorablement, malgré une frayeur lorsqu’une bonne prise casse et m’envoie me balancer dans le vide ! Le ciel se couvre peu à peu mais Arnaud est motivé pour monter les paires dans la sixième longueur, ce qui fera gagner du temps pour l’ascension finale.IMG_0072bis De retour au relais, il est grand temps de déguerpir car maintenant l’orage pointe ! Nous sommes certes relativement à l’abri de la pluie mais il y a de l’électricité dans l’air… et nous voyons la foudre tomber sur la montagne juste en face de nous. Nous contenons tant bien que mal notre stress, installons les cordes statiques et descendons rapidement mais sûrement à la vire. C’est l’heure du réconfort avec le saucisson et les amandes ; la prochaine fois, il faudra vraiment penser à emporter une casserole car comme remontant, un thé chaud ne serait pas de refus ! IMG_0071bisNous échangeons sur cet épisode orageux : était-il prudent de s’engager dans la dernière longueur ? Aurais-je pu grimper plus vite ?… Nous ne laissons pas libre cours aux reproches que l’on pourrait être tenté de se faire mutuellement et préservons avant tout la confiance et l’esprit de cordée, essentiels.



 


Jour 5 : Enorme !

Dernier jour, réveil à six heures. Pour l’instant, aucun nuage à l’horizon mais en moi une certaine appréhension car nous avons retenu la leçon de la veille : nous devons sortir de la voie au plus tard en début d’après-midi. Première étape : se débarrasser du gros sac de hissage avec tout le matériel qui ne nous servira plus pour terminer l’ascension. Nous choisissons de suspendre et déposer le sac au sol avec un crochet goutte d’eau plutôt que de le larguer. Cette manipulation délicate présente l’intérêt d’éviter une chute de cent mètres pour le matériel, l’inconvénient étant le risque de non décrochage ou d’accrochage au sol avec une racine… mais le sac atterrit sur un pierrier : l’opération est réussie. Puis nous remontons avec les cordes statiques jusqu’au cinquième relais. Je sens que mes bras n’ont plus la fraîcheur des débuts, il va falloir redoubler d’efforts aujourd’hui !

La sixième longueur est probablement la plus difficile tant le dévers est prononcé. Malgré la fatigue accumulée, Arnaud ne lâche rien et il s’en faut de peu qu’il enchaîne.

Instantané - 1

Pour moi, l’escalade est tellement soutenue qu’elle mobilise toutes mes ressources, je fais ainsi abstraction du gaz et parviens péniblement à grimper point par point ! La première moitié en dièdre de l’avant-dernière longueur offre un répit mais la fin sur colonnettes est encore très dure. Arnaud négocie ce passage avec brio tandis que je me résous à me hisser sur les derniers mètres avec la poignée Jumar pour ne pas perdre de temps à pendouiller dans le vide… La pression redescend au relais car la dernière longueur sera moins intense et le temps est toujours au beau. Une dernière colonnette et Arnaud disparaît car enfin la paroi se redresse. Finalement comme il avale beaucoup de corde, je sais qu’il a réussi. Il me reste encore à surmonter quelques pas difficiles avant que la gravité se fasse petit à petit oublier… et je rejoins avec joie et soulagement mon compagnon au sommet pour savourer ensemble le succès de notre expédition. Bravo et merci au premier de cordée ainsi qu’aux ouvreurs Philippe Mussato et Benoit Peyronnard. Ali Baba, c’est énorme !

Débriefing

La voie est splendide, le cadre extraordinaire, le gaz évidemment omniprésent. Le rocher est de très bonne qualité avec en majorité des colonnettes et des trous. La plupart des relais sont confortables, la vire pour le bivouac également. L’équipement de type sportif est rassurant. Des dégaines sont en place au niveau de certains crux, sympa ! La descente en rappel est possible en posant des dégaines. Une description précise des longueurs est disponible sur le blog de Philippe Mussato.

Avec mon niveau 7b+ à vue régulier / 8a après travail, l’ascension a été une véritable épreuve, même en second de cordée. J’ai correctement grimpé les 8a de L1 à L5 en faisant quelques arrêts dans chaque et j’ai réussi tous les mouvements, parfois en les travaillant. En revanche les 8a+ du dernier jour (L6 et L7) m’ont donné beaucoup de fil à retordre : je pense qu’il faut être au dessus de mon niveau en couenne pour pouvoir les grimper autrement qu’en point à point après les longueurs qui précèdent. Je conseille aux grimpeurs de mon niveau qui souhaiteraient tenter l’aventure, de partir gonflés à bloc (et à la conti !)… et surtout de faire équipe avec un compagnon bien plus fort qu’eux pour monter les paires et venir à bout d’Ali Baba !

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L’ORGANISATION

DEROULEMENT (du 17 au 24 avril 2014)

Jour 1 : La rouste
Arrivée à Aiglun
Préparation du matériel d’escalade et de bivouac
Marche d’approche avec les deux gros sacs de hissage
Escalade de L1/8a // 1/3 de L2/8a
Dépôt d’un sac de hissage et d’une corde statique à R1
Descente et retour aux camions

Un jour de repos, de remise en question et de changement de planning

Jour 2 : Nouveau départ
Marche d’approche
Escalade de L1 /8a// L2/8a// L3/7b+/
Installation des cordes statiques sur L1 + L2 + L3
Dépôt d’un sac de hissage à la vire de R3
Descente et retour aux camions

Deux jours et demi de pause en raison de la mauvaise météo (froid, brouillard et pluie)

Jour 3 (après-midi) : « Faut pas étudier, faut grimper »
Marche d’approche
Remontée au Jumar à R3
Hissage de deux petits sacs et des deux cordes statiques
Bivouac sur la vire de R3

Jour 4 : L’orage
Escalade de L4/8a // L5/8a //  L6 /8a+, monté des dégaines
Installation des cordes statiques sur L4 + L5
Descente et bivouac sur la vire de R3

Jour 5 : Enorme !
Largage du gros sac, d’une corde statique et d’un petit sac (il nous reste donc une stat et un petit sac)
Remontée au Jumar jusqu’à R5
Escalade de// L6/8a+ // L7/8a+ // L8/7b+ /7c(1pas de bloc), sortie de la voie
Descente à pied, récupération du matériel au pied de la paroi, arrivée aux camions à 20h
Dîner et douche à l’auberge bien mérités !

REALISATIONS
Cotations variables selon topos, on retient : L1 8a, L2 8a, L3 7b+, L4 8a, L5 8a, L6 8a+, L7 8a+, L8 7b+/ 7c(bloc)

Arnaud : Premier de cordée
Enchaînement de deux 8a (L1 et L5) et d’un 7b+ (L3) puis un voire deux arrêts dans les autres longueurs soit au 1er(Monté des dégaines) où soit au 2iem essai.

Thibaud : Second de cordée
Un et deux arrêts dans les 7b+ ; deux à cinq arrêts dans les 8a ; point à point dans les 8a+

MATERIEL

Escalade
Cordes : 1 corde simple de 70m, 2 cordes statiques de 50 et 60m, 1 ficellou de 40m (pour hisser une corde statique)
Dégaines : 2 jeux de 12 paires (pour pouvoir laisser une longueur équipée et redescendre sur corde statique le long de la paroi)
Matériel usuel de grande voie : 3 sangles, 6 mousquetons, 1 assureur/descendeur par personne
Matériel de remontée sur corde : 1 poignée Jumar et 1 autoblocant par personne
Matériel de portage/hissage : 2 gros sacs (un seul hissé dans la voie) et 2 petits sacs de hissage, poulies auto-blocantes, crochet groutte d’eau (pour larguer le gros sac depuis R3 sans le jeter)
Click-stick téléscopique (pour le cas où l’on doive grimper la dernière longueur verticale sous la pluie)
Mitaines, magnésie

Repas et bivouac
2,5 litres d’eau par personne et par jour (2 bidons de 5 litres et 2 gourdes d’un litre)
2 sachets repas lyophilisés par personne et par soir
Saucisson, fruits secs, barres de céréales, pain d’épice, thé
Réchaud, briquet, couverts
Mousse de sol, duvet, vêtements chauds, bonnet, gants, coupe-vent
Lampes frontales, couvertures de survie, papier hygiénique, trousse à pharmacie (coupe-ongles, lime, désinfectant, strappal, paracétamol)
Téléphones, caméra, appareil photo
Chaussures de marche (pour l’approche) et légères (pour le hissage et la descente à pied)

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