Beauregard
Article de Thierry Guéguen alias Titi
BEAUREGARD le bien-nommé
(Forêt communale de NEMOURS)
Souvent présenté comme un espace naturel d’exception, renommé pour sa forêt, ses pignons et pour l’originalité de ses chaos de blocs sculptés dans les grès et les sables stampiens, le Massif de Fontainebleau recèle bien d’autres trésors.
A environ deux kilomètres au sud de Nemours, les Bois des Beauregards témoignent ainsi d’un patrimoine archéologique rare au Nord de la Loire, identifié au premier coup d’œil par son découvreur comme se rapportant à « l’Age du Renne ».
Les Bois des Beauregards (Carte de Cassini ~1790)
L’Âge du Renne KEZAKO ?
Etendu à toute l’Europe, le Magdalénien est la période préhistorique comprise entre 17 000 et 10 000 ans avant notre ère (BP), âge le plus récent du Paléolithique Supérieur ou le Renne envahi abondamment les pâturages des forêts.
Il se caractérise par un réchauffement du climat ponctué d’épisodes contrastés plus froids.
Les fouilles archéologiques ont permis la mise à jour et la datation de nombreux restes osseux. Une formidable explosion des formes d’Art (gravures, peintures, sculptures, parures) et d’outillage est enregistrée au cours de cette période.
Art des ténèbres magdalénien – Grotte de Lascaux (Dordogne)
L’Apparition du genre Humain
L’homme nait en Afrique de l’Est, aux alentours de la région des grands lacs et de la Vallée du Rift, il y a environ 4 millions d’années (voire plus), à partir d’une espèce d’Australopithèque.
L’Arrivée en Europe
Le continent européen semble avoir été colonisé en plusieurs fois. Les plus anciennes traces
dont on soit sur, ont été découvertes en Géorgie à Dmanisi (Homo georgicus) et remontent à
1.8 Millions d’années avant notre ère (BP). Les suivantes, retrouvées dans les grottes et dolines de la Sierra d’Atapuerca au Nord de l’Espagne, sont datées d’environ 780 000 ans BP.
L’homme de Neandertal
Il y a 500 000 ans, une ultime vague de peuplement aurait apporté au continent Européen la domestication du feu (abri grotte de Menez Dregan en Bretagne et crique de Terra Amata dans les Alpes maritimes) ainsi que la taille du biface. L’espèce humaine aurait évolué sur place, pour donner l’homme de Neandertal il y a environ 100 000 ans.
L’Homme moderne
L’Homo sapiens apparait il y a environ 200 000 ans, en Afrique du Nord et au Proche-Orient.
En Europe, il arrive vers 43 000 ans BP, date des éléments mis à jour dans les Balkans.
On le retrouve en France vers 35 000 ans BP, Abri de Cro-Magnon en Dordogne, dont les premiers restes humains (sépulture de 5 squelettes) accompagnés de silex, os, bijoux en coquillage et ivoire de mammouth furent retrouvés en 1868. Il semble alors cohabiter pacifiquement avec l’homme de Neandertal, le repoussant vers le Nord de la France
(Arcy-sur-Cure en Bourgogne) et le Sud de l’Espagne (Zafarrayah). L’homme de Neandertal s’éteint respectivement, sur ces deux sites, il y a 30 000 et 23 000 ans avant notre ère.
De l’âge du Renne au troisième millénaire…
Le Massif des Beauregards se présente comme une grande platière gréseuse (altitude: 126m) à la topographie accidentée, morceau du plateau de Beauce isolé du reste du massif de Fontainebleau par la vallée du Loing, à l’ouest et limité par des petites vallées sèches (anciens ruisseaux), le vallon de Pierre-le-Sault au sud et le vallon des Châtaigniers à l’est.
Depuis les temps lointains, les sols y sont pauvres, peu fertiles et sensibles au ravinement. Une végétation maigre faite de lichens, mousses, lande à bruyères et steppe à bouleaux accompagnées de pins et de genévriers y serait établie depuis la fin de la dernière glaciation. Certaines platières ont été cultivées en vigne au moyen-âge, d’autres ont servi de pacages. Une partie des buttes gardent les stigmates malheureux de l’exploitation ancienne des grès.
Le massif a surtout été planté au XIXe siècle par des particuliers avant que la ville de Nemours n’acquière, en novembre 1907, tous les terrains englobant le fameux atelier préhistorique. Les hauteurs particulièrement dénudées furent alors replantées en résineux.
Le Beauregard
Depuis la plus haute Antiquité, le mythe de « l’homme primitif » accompagne la pensée occidentale. Il revient à Jacques Boucher de Crèvecœur (1788-1868) d’avoir créer en 1859 la science de l’étude de l’humanité et de son environnement avant l’écriture, la préhistoire.
Les premières découvertes attribuables au Paléolithique Supérieur dans le Massif de Fontainebleau (1868-1884) sont redevables à un magistrat érudit de Nemours, Edmond DOIGNEAU (1825-1891), considéré comme le pionnier de l’archéologie locale.
Aux environs de 1870, explorant les hauteurs des deux rives dominant le Loing, il remarqua. les vestiges de l’activité de l’Homme Préhistorique, une concentration importante de silex taillés de « l’Epoque de la Madeleine » (terme qui désignaient le Paléolithique Supérieur), particulièrement sur une butte des Bois des Beauregards (territoire de Nemours).
Le Grand Surplomb du Beauregard
Le gisement préhistorique du Beauregard occupe un promontoire gréseux (altitude: 123,2m) s’avançant en éperon (vue étendue sur 180°) au dessus de la rive droite de la vallée du Loing, au nord-ouest des Bois des Beauregards.
Le Grand Surplomb ou Abri DOIGNEAU est dissimulé sous la table stampienne affleurente.
Il est formé par un énorme bloc de grès de 9m de long, 5m de large et 6m de haut, détaché du banc par une fissure formant un couloir qui permet l’accès à la plate-forme supérieure.
L’abri, exposé au midi, est ouvert sur le versant Ouest du plateau.
Ce bloc dont la masse est évalué à 450 tonnes, est resté en équilibre, dégageant une cavité de 0,60 m de haut (pas vraiment confortable !!) pour une surface de 28m2.
Durant plus d’un siècle, d’éminents préhistoriens mais aussi des collectionneurs du dimanche se sont glissés sous la voute surbaissée du Grand Surplomb, au péril de leur vie, récupérant de manière intensive et désordonnée, des vestiges allant du paléolithique à l’âge de bronze.
Pour la petite histoire (rires), Arnaud en fouillant le sable y fit une trouvaille surprenante : un couteau de botte en parfait état « d’un temps bien présent » (marque Léopard 2014).
En 1907, un médaillon à la mémoire d’Edmond DOIGNEAU fut apposé par la commune de Nemours sur un gros bloc posé à coté du Grand Surplomb, une table d’orientation fut édifiée par le Touring-Club de France sur la plate-forme supérieure (panorama sur la vallée du Loing) au centre du gisement préhistorique du Beauregard et des sentiers pittoresques furent tracés, notamment l’étonnante « Promenade au Rocher Vert »
Aujourd’hui, le médaillon Doigneau en bronze a disparu, volé (info 2011).
Idem pour la table d’orientation TCF en émail, ne reste que son socle.
La Promenade au Rocher Vert
On y baguenaude et on y grimpe… C’est à Bleau c’est cadeaux !!
On y baguenaude et on y grimpe… C’est à Bleau c’est cadeaux !!
Limiter le plus votre impact sur le milieu …
Plan édité par le Syndicat d’Initiative de Nemours (remanié)
V – La Grotte aux Filles
La plupart des lettrines de cet itinéraire contemplatif tombent dans l’oubli (hélas !!)
Sur les traces de l’Homme de Cro-Magnon …
L’époque de la Madeleine
Le Paléolithique Supérieur (ou Récent) débute sur tous les continents, hormis l’Amérique, aux alentours de 40.000 ans BP et perdure jusque vers 9.000 ans BP.
Son développement accompagne la dernière phase glaciaire dans le nord de l’Eurasie (radoucissement du climat, fonte partielle des calottes glaciaires).
Il est caractérisé par l’expansion de l’Homo Sapiens, l’Homme moderne à travers le monde.
Il se subdivise en cultures marquées par des changements techniques et des innovations.
Pendant cet âge lointain, les grands carnassiers, hyènes et lions des cavernes semblent avoir disparu. Les mammouths, les rhinocéros laineux et les bisons existent encore, mais tendent graduellement à s’éteindre. Les rennes et les chevaux abondent formant de grands troupeaux.
Circuits migratoires traditionnels
La trouée du Loing constitue alors une voie de passage, très empruntée entre le Nord et le sud du bassin parisien (parcours le plus court entre la Seine et la Loire). Les vallées affluentes du sud de la Seine (Ecole, Essonne, Juine, Orge) ont été aussi très parcourues mais les traces de présence sont peu nombreuses et dispersées.
Les hauteurs stampiennes, les crêtes et les platières du Massif des Beauregards apparaissent comme une halte-refuge privilégiée pour l’habitat, à l’abri des vents du Nord et de l’Est
ou ces groupes nomades chasseurs de rennes (base essentielle de leur nourriture) ont régulièrement installé leurs campements d’été (climat trop rigoureux pour y rester l’hiver).
– Sol sec (replat sableux ou platière)
– Abris naturels
– Point d’eau en contrebas (le Loing)
– Silex disponible, affleurements de conglomérats de galets (poudingues de Nemours)
– Vue large sur la vallée et les territoires de chasse de la rive gauche du Loing (gué proche)
Il s’agit surtout d’habitations de plein air (espace aménagé et sécurisé avec des pierres et des branches, huttes ou tentes couvertes avec des peaux,) et quelques occupations sous roche.
Les fouilles archéologiques (analyses chrono stratigraphiques et contexte environnemental) ont montré que ces chasseurs-cueilleurs s’établissaient sur des campements saisonniers localisés en des endroits où le gibier était abondant et où poussaient des plantes sauvages comestibles.
Cinq gisements importants ont fait l’objet d’examens approfondis :
–Le Beauregard dont le Grand Surplomb (ou abri DOIGNEAU)
– Le Deuxième Redan
– Les Gros Monts
– Le Cirque la Patrie
– La Grotte du Troglodyte
Les vestiges lithiques ensevelis dans les sables stampiens sont riches et abondants.
Certains gisements présentaient plusieurs couches archéologiques superposées.
Les occupations appartiennent à 3 groupes humains (cultures distinctes) :
– Les Magdaléniens (entre 13.000 et 9.000 ans BP)
– Les Badegouliens (entre 19.000 et 17.000 ans BP)
– Les Gravettiens (entre 27.000 et 20.000 ans BP)
La découverte des ateliers de taille a permis aux scientifiques de comprendre les techniques d’obtention des lames de silex, de grès (outils et armatures de projectiles) et ainsi de distinguer les identités culturelles.
En les utilisant bruts ou en les transformant, ces groupes d’humains ont pu confectionner des armes efficaces pour la chasse aux rennes (sagaies, harpons, propulseurs) et des outils (poinçons, aiguilles, bâtons percés) adaptés au travail de matériaux comme le bois, l’os ou la peau d’animaux (confection de vêtements, couvertures, tentes et récipients).
Dans tous les gisements, des minéraux étrangers à la région de Fontainebleau (pegmatite, micaschiste, stéatite, granite) ont été découverts.
Certains sont originaires du Massif central et de ses abords (Sud de la Loire). On peut supposer des incursions de petits groupes à partir de foyers de peuplement éloignés.
Silex blonds plus ou moins altérés (patine blanche) provenant des Beauregards
(lame, pointe, lamelle à dos, burin, perçoir, grattoir, racloir)
Une industrie osseuse rare (restes de rennes et de chevaux, bois, dents et os, certains ont fait l’objet d’une datation au carbone 14) est aussi conservée au Musée des Antiquités Nationales. Les éléments les plus intéressants sont des morceaux de bois de renne dont l’un est orné de stries parallèles ainsi qu’une plaquette de calcaire gravée d’une tête d’animal schématique. Ces manifestations artistiques exceptionnelles ont été découvertes sous le Grand Surplomb.
Les Bois des Beauregards sont un lieu mémoriel important et irremplaçable pour les unités de recherche en Archéologie et en Ethnologie Préhistorique. Dans le Massif de Fontainebleau, il est l’endroit ou l’on recense la plus grande concentration de stations appartenant au Paléolithique Supérieur. L’occupation humaine y persista en quasi-continuité entre 25.000 et 12.000 ans BP.
Les niveaux les plus anciens, Gravettiens ont été trouvés le plus souvent à même le sommet de la table stampienne et les industries postérieures, Badegouliens, Magdaléniens, Tardenoisiens et Néolithiques ont été rencontrées dans les sables et limons superposés.
Les dernières fouilles autorisées, au deuxième Redan, datent de 1971 et 1972.
Que la vallée du Loing ait été le point de rencontre de groupes venant du Nord, des grandes plaines et du Sud, du bassin du Rhône et l’Aquitaine est une hypothèse…
La mémoire effacée de l’Homme de Neandertal
Sans doute doué d’une intelligence comparable à l’homme de Cro-Magnon, parfaitement bipède, l’homme de Neandertal était de petite taille (1m60) mais doté d’un aspect robuste.
Il démontrait une certaine spiritualité puisqu’il enterrait ses morts, collectionnait les fossiles, les belles pierres et s’essayait déjà (grossièrement) à des œuvres d’Art.
L’Enigme ?
La période comprise entre 50.000 et 30.000 ans BP, étape de transition du Paléolithique Moyen vers le Paléolithique Supérieur (ou Récent), voit à la fois, la disparition des Néandertaliens, qui évoluaient depuis 250.000 ans et l’arrivée des Homo Sapiens, hommes anatomiquement modernes (« nous »).
Si diverses théories sont émises, la disparition de l’Homme de Neandertal demeure à ce jour un mystère…
L’Homme de Neandertal (Peinture de Gilles Tosello)
Dans les Bois des Beauregards, les dépôts Néandertaliens antérieurs à 25.000 ans BP sont rares en raison de l’épaisseur des sables stampiens et de l’érosion mécanique importante née des fortes variations climatiques de l’ère quaternaire.
Quelques séquences culturelles, résiduelles et isolées, de plus 40.000 ans BP du Moustérien à débitage Levallois (technique élaborée de taille du silex propre à Neandertal) ont toutefois été découvertes au Cirque de la Patrie et aux Gros Monts.
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